Centre Diocésain de Musique Sacrée de
Montpellier
Cathédrale de
Nîmes
Présentation de l'orgue Alfred Kern
1982
Éric Andanson (Décembre 2010)
1 – Introduction
sommaire à l'orgue néo-classique
2 –
L'orgue de la cathédrale de Nîmes
3 –
Alfred Kern
1 –
L'orgue néo-classique :
Mon
propos se bornera à une introduction sommaire, donc très réductrice de l'orgue néo-classique en France. Je ferai
volontairement l'impasse sur l'influence des facteurs du Nord (Flentrop,
Marcussen, Beckerath…) et l'harmonie "en plein-vent" qui suscita
beaucoup d'intérêt chez les facteurs français et notamment Curt Schwenkedel. De
même je ne ferai pas allusion à l'orgue néo-baroque, branche du mouvement
néo-classique qui s'attachera à construire des instruments spécifiques pour la
musique de Bach et de ses maîtres (Saint Donat dans la Drôme en est un exemple des
plus significatifs)
A la fin du XIXème siècle
et jusque vers les années 1930,
l'orgue est devenu "symphonique", c'est-à-dire
qu'il a suivi l'évolution de l'orchestre et des compositions musicales de son
temps : Brahms, Mahler, Debussy, Ravel, R. Strauss…. La conséquence est que ces
instruments étaient souvent dépourvus de mixtures, de jeux de mutations (les
seuls survivants seront le cornet et parfois le nazard ou la quinte), largement
pourvus en jeux de 8 pieds
et notamment de la famille des gambes. Les anches se font aussi plus
orchestrales et rondes, etc… Le résultat sonore est sombre, avec une pâte
sonore ample et tout à fait exceptionnelle quand c'est réussi. Seulement tout
le monde ne s'appelle pas Cavaillé-Coll, Merklin, Eugène Puget ou Debierre pour
ne citer que les meilleurs facteurs de cette période.
Les musiques du temps passé ne sont
guère en vogue au début de ce XXème siècle et malgré le travail
considérable d'Alexandre Guilmant (entre autres) qui publia et annota tout un
pan de la musique baroque française, il faudra attendre quasiment
l'après-guerre 39-45, pour une prise de conscience du patrimoine ancien et que
les leçons du facteur Victor Gonzalez soient prises en compte. Les orgues
anciens qui n'avaient pas été "modernisés", ne le devaient qu'à la
rare clairvoyance de leur titulaire ou la pauvreté de moyens des paroisses
(Saint Pierre de Poitiers, Saint Maximin en Provence, Souvigny, Malaucène,
Saint Pons de Thomières…). Le mouvement néo-classique avait timidement fait son
apparition à la fin des années 30 avec le facteur Victor Gonzalez (1877-1956)
formé chez Cavaillé-Coll auprès notamment des frères Reinburg et de Ferdinand
Prince, les meilleurs harmonistes de la manufacture. Avec le musicologue
Norbert Dufourcq (1904-1990), il entreprit de redonner à l'orgue des jeux de
l'époque classique. Aujourd'hui on est "choqué" par la façon dont il
aborda la restauration des orgues anciens (Saint Nicolas des Champs à Paris,
Cathédrale de Reims…) Mais il faut bien considérer que la notion de
restauration à l'identique ou même seulement dans le style était encore
largement une vue de l'esprit et Victor Gonzalez fut un des plus respectueux de
son temps. Il faut replacer les choses dans leur contexte et se garder de juger
trop vite, nous ne savons pas ce que les générations futures penseront du legs
qui sera le nôtre. On avait l'habitude de moderniser (et sans se priver, de modifier…)
ou plus souvent de reconstruire carrément.
La redécouverte de la musique
ancienne française ou allemande (Bach en particulier) ne faisait pas, pour
autant, renoncer au répertoire romantique ou symphonique. Donc l'idée maîtresse
du mouvement néo-classique était de
faire des "orgues à tout jouer". Les organistes voulaient au cours du
même concert jouer des pièces allant de Titelouze à Messiaen, en passant par
Bach, Couperin, de Grigny, Franck et Tournemire. Cette conception, aussi
louable soit-elle, n'en n'est pas moins chimérique. Le résultat, à quelques
exceptions près dont nous parlerons plus loin, fut la création d'orgues hybrides,
aux mixtures aiguës, sinon suraiguës, aux anches claires, voire faméliques, et
la modernisation de grands instruments romantiques aboutit, dans 80 % des cas,
à des massacres organisés, confiés à des harmonistes peu compétents et aux
lubies de quelques organistes du même niveau et aux oreilles manifestement
ensablées ! Pourtant lorsque les moyens intellectuels, musicaux et techniques
seront réunis on pourra voir naître de
véritables (mais trop rares) chefs d'œuvres. J'ai bien dit ne pas juger,
mais constater que la qualité du travail est mauvaise est une autre chose…
Certains des décideurs de ces travaux renieront plus tard leur implication dans
ces transformations, laissant le facteur d'orgues seul porter la responsabilité
de leurs erreurs.
L'idée la plus souvent répandue
était de penser qu'il suffisait de mettre des jeux classiques (mixtures,
tierce, sesquialtera…) dans un orgue romantique pour pouvoir jouer Couperin ou
Bach, ou de rajouter un récit romantique (souvent disproportionné) à un orgue
baroque pour jouer toute la musique pour orgue. Seulement les rapports de
tailles, l'harmonie des jeux ajoutés n'avaient souvent rien à voir avec la base
sonore de l'instrument : les mixtures criaient, les mutations
"crachotaient", les anches sonnaient le canard, les tutti ne valaient
que par l'agressivité des mixtures et n'avaient aucun corps ou les jeux
romantiques trop typés écrasaient la base classique. Bref les jeux ne se mélangeaient pas et le
résultat était qu'en fait d'orgue à tout jouer, on se retrouvait avec un orgue
à rien jouer ! Un grand organiste français disait des orgues néo-classiques
"ces instruments on une tête, des pieds, mais pas de ventre !". Les
orgues romantiques ont vu leurs jeux de 8 pieds réduits pour laisser la place à des
registres de mixtures (cymbale, plein-jeu, sesquialtera…) de mutations (nazard,
tierce, larigot, piccolo…). Au final, le chœur des fonds s'en trouve
déséquilibré, l'harmoniste ayant fait en fonction du nombre élevé de 8 pieds pour équilibrer
l'harmonie. Par exemple lorsque le clavier de grand-orgue comportait montre,
salicional, flûte harmonique et bourdon 8, le fait de supprimer le salicional
et la flûte harmonique avait pour conséquence de passer d'une montre puissante
et riche en harmoniques à un bourdon doux et rond. Entre les deux il n'y a plus
rien. Et les exemples sont légions. On peut citer par exemple l'orgue de Sainte
Eulalie à Montpellier :
Grand-orgue
Merklin 1868
|
Après
remaniement par Y. Cabourdin 1977
|
Bourdon
16
|
Bourdon
16
|
Montre
8
|
Montre
8
|
Salicional
8
|
Doublette
2
|
Flûte
harmonique 8
|
Sesquialtera
II
|
Bourdon
8
|
Bourdon
8
|
Prestant
4
|
Prestant
4
|
Fourniture
IV (en 16)
|
Fourniture
IV (en 8)
|
Trompette
8
|
Trompette
8
|
Clairon 4
|
Clairon 4
|
Cor
de nuit 8
|
Principal
8
|
Viole
de gambe 8
|
Prestant
4
|
Voix
céleste 8
|
Unda
maris 8
|
Flûte
harmonique 4
|
Flûte
harmonique 4
|
Basson-hautbois
8
|
Doublette
2
Plein-jeu
II
|
Voix humaine 8
|
Basson-hautbois 8
|
Soubasse
16
|
Soubasse
16
|
Basse
8
|
Basse
8
|
Trombone
16
|
Trombone
16
|
Comme on le voit, l'ordonnancement
d'origine est complètement modifié, et encore que, faute de moyens, le
basson-hautbois n'a pas été remplacé par un cromorne comme initialement prévu.
Du coup la musique de Bach ne sonne pas mieux pour autant et la musique
romantique se trouve "amputée" d'une grande partie de ses couleurs.
Dans les orgues classiques, la
modification se "limitait" à l'ajout d'un grand récit expressif (qui
imposait d'éventrer le buffet à l'arrière le plus souvent pour pouvoir le
loger) et d'un pédalier moderne de 30 notes (avec les compléments de jeux en 16
notamment). Là encore le mariage n'a pas toujours été très heureux. Il va sans
dire que la mécanique, quand elle survivait à cet autodafé, était elle aussi
profondément remaniée, quitte à ce que les aplombs des claviers et des abrégés
ne soient plus corrects, donnant des touchers durs et peu précis. Mais là on
avait un peu d'avance sur les conséquences, puisque les facteurs du XIXème
avaient pratiqué de telles modifications.
Dans le cadre de la construction
strictement neuve ou quasiment, les choses se sont mieux passées puisque toute
la conception était "cohérente". Certes il faut faire abstraction des
orgues classiques ou romantique irrémédiablement perdus par des reconstructions
trop radicales. Ces orgues neufs sont intéressants à plus d'un titre, car c'est
eux qui amèneront une réflexion plus sage des facteurs d'orgues et permettront
la création d'instruments aboutis. De nombreux orgues des années 60-70, qui ont
été restaurés ces dernières années, ont bénéficié du recul nécessaire pour en
faire des instruments intéressants, plus cohérents et sans pour autant en
changer la composition, en redonnant un
équilibre aux plans sonores. Pour faire brusque, ces orgues ont été
"achevés".
De cette époque (en gros de 1960 à
1990 pour faire large et très schématique) sont nés des instruments tout à fait
aboutis aux possibilités larges, mais qui ont un style finalement bien à eux.
Ce ne sont pas des orgues à tout jouer, parce qu'il y a toujours des
déséquilibres qui font qu'on est coincé dans tel ou tel répertoire, sauf dans
le cas d'orgues conséquents (Saint Etienne du Mont, Saint Eustache à Paris,
Cathédrales de Nantes, Angoulême, Beauvais, qui comportent entre 70 et 100
jeux). En effet pour aborder un répertoire quasi exhaustif, il faut certes des
tierces, nazards, larigots, des mixtures, cromorne, trompettes, etc mais aussi
des flûtes harmoniques, des gambes, des anches spécifiques à la musique
romantique…. Donc tout est affaire de compromis. Une tierce française n'est pas
une tierce allemande, une fourniture "à la Dom Bedos" n'est
pas une mixture "à la
Silbermann" ou "à la Schnitger" etc… les
anches françaises sont loin des anches allemandes ou italiennes…. Et même en
restant dans un nationaliste bon teint, les anches de Robert Clicquot n'ont
rien à voir avec celles de François-Henri, et pourtant on reste au XVIIIème.
Face aux possibilités évidentes et
larges des orgues néo-classiques, les grands organistes et compositeurs (Dupré,
Duruflé, Messiaen, J. Alain…) se sont littéralement appropriés ces instruments
et ont écrit une œuvre qui réclame une palette large, aux coloris multiples,
capable de douceur, de subtilité, et de puissance. C'est pour ce type d'orgues
que leur musique est faite. A défaut on jouera leurs œuvres sur un orgue
symphonique (Messiaen sur un Clicquot, c'est risqué à beaucoup de points de
vues). Ils ont même participé activement à la création d'un univers sonore qui
leur est spécifique. Jouer Messiaen sur l'orgue Danion de la cathédrale de
Beauvais (1979) est un bonheur, toutes les couleurs, subtilités demandées par l'auteur
s'y trouvent réunies.
Volontairement, Je ne parlerai pas
de toutes les innovations technologiques de cette période (transmissions
électriques, électro-pneumatiques, combinateurs, tirasses et accouplements en
octaves….).
Les grands représentants de cette
esthétique sont les facteurs Danion, Haerpfer, Beuchet-Debierrre, la
manufacture Michel-Merklin & Kuhn, Rœthinger, Muhleisen, Schwenkedel et Kern
pour ne citer que les plus significatifs.
Aujourd'hui c'est une période de la
facture très décriée, pour les raisons que j'ai évoquées plus haut, mais aussi
en raison des avancées de la prise de conscience de la richesse du patrimoine
ancien et de sa conservation. On a perdu des orgues qui nous étaient parvenus
dans leur style en voulant les moderniser. Ainsi le grand-orgue de la
cathédrale du Mans (Jean de Joyeuse – XVIIème siècle) a été
électrifié, l'orgue Cavaillé-Coll de Saint Léon de Nancy totalement remanié
(tous les sommiers ont été reconstruits, la mécanique de Cavaillé-Coll
remplacée par une mécanique "à rubans", et la tuyauterie
réharmonisée) et les exemples ont nombreux. La restauration des orgues anciens
dans leur style, a fait connaître de façon approfondie les techniques, les
spécificités des orgues baroques ou classiques, mais a aussi amené une
réflexion sur les orgues romantiques, premières victimes du mouvement
néo-classique et ce, dans un passé encore très proche.
Ces facteurs ont ouvert un champ
large vers ce qui est aujourd'hui l'orgue néo-classique abouti avec les
constructions d'un Pascal Quoirin, Michel Gaillard, Jean Daldosso et bien sûr
les maisons Kern et Muhleisen qui perpétuent la tradition et la qualité des
constructions initiées par leur aînés.
De ce mouvement, et comme toujours
dans les arts, sont nés des courants différents de la facture d'orgues,
certains se lançant corps et âme dans des constructions à la façon de…
utilisant les techniques anciennes, d'autres au contraire iront encore plus
loin dans la "création contemporaine".
Dans
le cadre de certaines restaurations on tombe aujourd'hui dans un
fondamentalisme et un retour aux sources strict. Cette vision n'est pas non
plus (et ça n'engage que moi) un bon parti. Si l'orgue est radicalement dans
son état d'origine, il faut bien sûr le préserver, mais s'il a subi des
modifications et qu'il faille reconstruire toute où partie des sommiers et de
la mécanique, il serait intéressant de maintenir des claviers complets, un
pédalier aux normes modernes etc. La musique de César Franck sur un Daublaine
& Callinet avec un récit complet est un pur bonheur. Si on revient au récit
court, c'est "foutu"….. Les puristes pourront toujours se limiter aux
possibilités originelles. Le tout étant que les travaux soient menées avec
prudence et compétence tant de la part des experts, des organistes et des
facteurs d'orgues.
Au final peu importe les techniques
utilisées, les partis pris (il faut toujours faire un choix) l'essentiel est
que les instruments construits aujourd'hui soient cohérents, agréables à jouer,
à voir et qu'ils fonctionnent (ça semble le B-A BA, et pourtant…)
Compositions
d'un orgue néo-classique type :
I – Positif de dos
|
II – Grand-Orgue
|
III – Récit expressif
|
Pédalier
|
Bourdon 8
|
Bourdon 16
|
Cor de nuit 8
|
Flûte 16
|
Montre 4
|
Montre 8
|
Salicional 8
|
Soubasse 16
|
Flûte à cheminée 4
|
Flûte à cheminée 8
|
Unda maris 8
|
Flûte 8
|
Nazard 2 2/3
|
Prestant 4
|
Flûte 4
|
Bourdon 8
|
Doublette 2
|
Flûte 4
|
Flûte 2
|
Flûte 4
|
Tierce 1 3/5
|
Doublette 2
|
Sesquialtera II
|
Bombarde 16
|
Larigot 1 1/3
|
Fourniture IV
|
Trompette 8
|
Trompette 8
|
Cymbale III
|
Cymbale III
|
Hautbois 8
|
Clairon 4
|
Cromorne 8
|
Cornet V
|
Voix humaine 8
|
|
|
Trompette 8
|
|
|
|
Clairon 4
|
|
|
I – Grand-Orgue
|
II – Récit expressif
|
Pédalier
|
Bourdon 16
|
Cor de nuit 8
|
Soubasse 16
|
Montre 8
|
Salicional 8
|
Flûte 8
|
Flûte à cheminée 8
|
Unda maris 8
|
Flûte 4
|
Prestant 4
|
Flûte 4
|
Bombarde 16
|
Flûte 4
|
Flûte 2
|
|
Nazard 2 2/3
|
Plein-jeu IV
|
|
Doublette 2
|
Trompette 8
|
|
Tierce 1 3/5
|
Hautbois 8
|
|
Fourniture V
|
Clairon 4
|
|
Cornet V
|
|
|
Cromorne 8
|
|
|
I – Grand-Orgue
|
II – Récit expressif
|
pédalier
|
Bourdon 16
|
Bourdon 8
|
Soubasse 16
|
Montre 8
|
Salicional 8
|
Flûte 8
|
Flûte à cheminée 8
|
Unda maris 8
|
Flûte 4
|
Prestant 4
|
Flûte 4
|
Bombarde 16
|
Flûte 4
|
Nazard 2 2/3
|
Trompette 8
|
Doublette 2
|
Quarte 2
|
|
Plein-jeu V
|
Tierce 1 3/5
|
|
Cornet V
|
Piccolo 1
|
|
Trompette 8
|
Hautbois 8
|
|
Clairon 4
|
Cromorne 8
|
|
2 –
l'orgue de la cathédrale de Nîmes :
1652
: construction par les Frères Eustache
1706
: travaux par Charles Boisselin
1752
: restauration par Jean-Esprit Isnard
1808
: Dominique Cavaillé-Coll (?)
1833
: relevage par Martin Cavaillé-Coll
1823
: Dominique, Vincent et Aristide Cavaillé-Coll
1845
: reconstruction par Daublaine et Callinet (suppression du positif de dos)
1863
: restauration par Théodore Puget
1896
: reconstruction par Charles Michel-Merklin le gendre de J. Merklin en charge
de l'atelier de Lyon)
1932
: restauration par Maurice Puget
1967
: dépoussiérage par Léopold et Yves Trosseille aidés d'une équipe de bénévoles.
1974-1982
: reconstruction par Alfred Kern avec reconstitution du positif de dos
Composition
sonore :
I – Positif
de dos
|
II –
Grand-orgue
|
III –
Echo-Bombarde
|
IV – Récit
|
Bourdon 8
|
Bourdon 16
|
Quintaton 16
|
Flûte 8
|
Montre 4
|
Montre 8
|
Flûte 8
|
Cornet V
|
Nazard 2 2/3
|
Bourdon 8
|
Salicional 8
|
Hautbois 8
|
Doublette 2
|
Prestant 4
|
Unda maris 8
|
Chamade 8
|
Tierce 1 3/5
|
Flûte 4
|
Principal 4
|
|
Larigot 1 1/3
|
Grande tierce 3 1/5
|
Flûte conique 4
|
Pédalier
|
Plein-jeu IV-VI
|
Nazard 2 2/3
|
Octave 2
|
Principal 16
|
Cromorne 8
|
Doublette 2
|
Fourniture IV
|
Soubasse 16
|
|
Tierce 1 3/5
|
Sesquialtera II
|
Principal 8
|
|
Fourniture en 16 II
|
Bombarde 8-16
|
Flûte 8
|
|
Fourniture II-IV
|
Trompette 8
|
Octave 4
|
|
Cymbale IV
|
Clairon 4
|
Cor de nuit 2
|
|
Trompette 8
|
|
Mixture IV
|
|
Voix humaine 8
|
|
Bombarde 16
|
|
Clairon 4
|
|
Trompette 8
|
|
|
|
Clairon 4
|
Claviers manuels de 56 notes pour I, II, III et 32
notes pour IV
Pédalier
de 30 notes
Copulae : I/II, III/II, IV/II
Appel
mixtures II.
Appels
anches : II, III, P.
Tremblants
: I, II,
Expression
écho-bombarde.
Comme on peut le voir, l'orgue de la
cathédrale de Nîmes est composé de "couches" successives et l'instrument
actuel comporte des jeux, des tuyaux qui vont du XVIIème au XXème
siècle. L'intérêt qu'il présente aujourd'hui est la démonstration qu'un
harmoniste doué est à même de faire un orgue homogène, parfaitement cohérent.
C'est l'expression des qualités de concepteur d'Alfred Kern. Les lignes
directrices qui l'on guidé sont les suivantes :
- un clavier de positif et de
grand-orgue tout a fait classique,
- un écho-bombarde expressif qui reprend le fond romantique de
l'orgue et complète les 2 claviers principaux,
- un récit classique proche de celui
pensé par Eustache et Isnard,
- un grand pédalier très complet et
autonome.
La mécanique est de conception
totalement neuve, ce qui donne une logique et une implantation des sommiers
claires et donc un entretien aisé.
Les sommiers anciens qui étaient de
bonne facture ont été conservés, des sommiers ont été construits (notamment au
positif et récit) selon des principes classiques et éprouvés. La soufflerie
reprend les grands soufflets du XIXème et assurent un vent en quantité
suffisante.
Le
clavier d'écho-bombarde : il est
intéressant de s'attarder un peu sur ce plan sonore qui est l'originalité de
cet orgue. Alfred Kern a pensé cet ensemble pour ouvrir l'orgue sur le
répertoire romantique et contemporain sans nuire à l'ensemble classique du
grand-orgue et du positif. On y trouve une base en 16 (quintaton et bombarde),
des 8 nombreux dont le salicional et l'unda maris. Ces deux registres
permettent une approche correcte de la musique de Franck ou Vierne, et viennent
nourrir les fonds de 8 du grand clavier. Un plénum en 8, complété de la
sesquialtera (jeu qu'Alfred Kern réussissait tout particulièrement) qui donne
une couleur "germanique" et se montre à propos dans des compositions
contemporaines. L'implantation de la vaste boîte expressive à l'arrière du
buffet lui confère ce côté "écho" et si, à la console il peut sembler
discret, dans la nef de la cathédrale il est très présent et la performance des
jalousies permet des nuances très efficaces. La batterie d'anches, bien que
plus sombre que celle du grand orgue, apporte un complément remarquable dans le
grand-jeu à la française. Enfin dans un tutti indispensable à la musique
romantique, ce plan apporte une puissante considérable.
C'est ainsi que l'orgue de la
cathédrale de Nîmes peut être considéré comme un orgue néo-classique abouti.
Certes il a ses limites, mais comme tout instrument, c'est aux organistes de
trouver les ressources et le répertoire qui sera le plus adéquat.
3/ Alfred
Kern (1910-1989)
Alfred Kern a été formé au sein des
ateliers de la maison Rœthinger à Strasbourg. Cette manufacture fondée à la fin
du XIXème a été une "pépinière" de facteurs tout à fait remarquable
comme Schwenkedel ou Muhleisen et bien sûr Alfred Kern. Au sein de cette
manufacture, il apprend son métier d'harmoniste, mais il participe aussi à la
conception des instruments. Il côtoiera tous types de transmissions ce qui lui
sera d'une grande utilité dans sa carrière et l'approche des orgues qu'il
restaurera. Il s'installe à son compte en 1953, après une période de
collaboration avec son beau-frère Ernest Muhleisen. Il reçu les encouragements d’Albert
Schweitzer dans son opiniâtreté à imposer en quelque sorte un retour à la
traction mécanique. Très tôt il fut reconnu comme un connaisseur avisé de la
facture classique grâce à des restaurations remarquables d'orgues de Silbermann
et des Callinet. Ces travaux lui permirent d'appréhender la facture de ces
grands maîtres et sans pour autant les pasticher, il s'inspira largement, avec
humilité, des leçons du passé. Outre des restaurations de premiers plans, il
fut un créateur, voire un re-créateur d'instruments qui restent aujourd'hui
encore des références. Il saura mieux que beaucoup d'autres, créer des orgues
de synthèse "germano-française", exercice difficile s'il en est.
Les grandes caractéristiques des
orgues d'Alfred peuvent se résumer ainsi :
- des fonds généreux mais toujours
très typés et colorés,
- des mixtures claires, vives,
jamais agressives,
- des anches promptes et
équilibrées,
- des mécaniques fiables et saines,
au toucher précis,
- un équilibre des plans sonores
toujours en adéquation avec l'acoustique du lieu.
Ses réalisations les plus
remarquables, tant en restaurations qu'en instruments neufs, sont les suivantes
:
A
Paris : Saint Séverin, Notre Dame des
Blancs Manteaux, Saint Jacques du Haut Pas, Notre Dame des Victoires.
Coutances
: Cathédrale
Bourges
: Cathédrale
Strasbourg
: Cathédrale, Saint Thomas
Évreux
: Saint Taurin
Nice
: église réformée
Masevaux
: église paroissiale
Ribeauvillé
: église saint Grégoire
Toulouse
: cathédrale Saint Etienne
Aurillac
: Abbatiale Saint Géraud
Thionville
: église Saint Maximin
Bâle
: église Saint Théodore
Mulhouse
: temple Saint Jean
Sélestat
: Notre Dame de la Paix
Aujourd'hui
la manufacture poursuit l'œuvre d'Alfred sous la direction de son fils Daniel,
et dans les réalisations faites sous sa responsabilité on peut citer :
Tours
: cathédrale Saint Gatien
Aix
en Provence : chapelle des chevaliers de Malte
Obernai
: église des Saints Pierre et Paul
Bayonne
: église Saint Martin
Saint
Petersburg : salle de concert du théâtre Mariinski
La manufacture a maintenu un niveau
d'excellence qui lui a permis d'être choisie pour la reconstruction de l'orgue
de la Frauenkirche
de Dresde en 2005. Ce choix s'est fait après un concours international, face à
des concurrents de tout premier ordre.
Pour plus
de d'informations :
Sur le grand orgue de la cathédrale de Nîmes :
La
monographie de Roland Galtier : le grand-orgue de la cathédrale de Nîmes aux
éditions du Bérange
L'enregistrement
de l'œuvre de Jehan Alain par Jacques Bétoulières (édition Coriolan)
Sur la manufacture Kern
http://www.kernpipeorgan.com/